Les théories de la relativité d’Albert Einstein, publiées au début du XXe siècle, ont fondamentalement changé notre façon de comprendre le temps. Ils ont révélé que le temps n’est pas absolu ; au lieu de cela, il peut être affecté par le mouvement – en particulier, les horloges qui se déplacent ou accélèrent rapidement subissent un phénomène connu sous le nom de dilatation du temps, dans lequel leur tic-tac est plus lent que les horloges stationnaires. Bien que cet effet ait été observé sur des objets relativement grands, les chercheurs explorent désormais une nouvelle façon de le tester à une échelle incroyablement petite en utilisant des atomes ultrafroids et des structures basées sur la lumière.
Préparer le terrain : dilatation du temps et physique ultra-froide
La dilatation du temps n’est pas seulement une curiosité théorique ; c’est un élément essentiel de la physique moderne et a des implications pratiques, telles que le fonctionnement des satellites GPS, qui doivent tenir compte des effets relativistes pour fonctionner avec précision. La compréhension actuelle est que plus un objet se déplace rapidement ou plus l’accélération qu’il subit est forte, plus son temps ralentit par rapport à un observateur immobile. Ce principe s’applique également au mouvement circulaire, ce qui signifie que se déplacer en cercle peut également provoquer une dilatation du temps.
Pour étudier ces effets au niveau quantique, une équipe dirigée par Vassilis Lembessis de l’Université King Saud exploite la puissance de la physique ultra-froide. À des températures à peine une fraction de degré au-dessus du zéro absolu – une température incroyablement basse – les propriétés quantiques des atomes et des molécules deviennent beaucoup plus contrôlables. En manipulant avec précision les atomes et les molécules avec des lasers et des champs électromagnétiques, les scientifiques peuvent explorer les effets de la rotation et de l’accélération avec des détails sans précédent.
La « grande roue optique » et les horloges quantiques
En 2007, Lembessis et ses collaborateurs ont mis au point une méthode permettant de piéger et de faire tourner des atomes sous la forme d’un cylindre à l’aide de faisceaux laser soigneusement réglés. Ils ont surnommé cette structure de manière ludique « grande roue optique », et leurs dernières recherches suggèrent que ces minuscules structures pourraient constituer une plate-forme idéale pour observer la dilatation relativiste du temps dans le domaine quantique.
Plus précisément, les chercheurs proposent d’utiliser des molécules d’azote comme sujets de test. Ils considèrent le mouvement des électrons au sein de ces molécules comme une « horloge » interne. En observant les molécules tournant dans la grande roue optique, ils espèrent détecter de minuscules changements dans la « fréquence de tic-tac », détectant essentiellement l’effet de la dilatation du temps. La précision potentielle de ces mesures est étonnante : les chercheurs visent à détecter des changements aussi minimes qu’une partie sur 10 quadrillions.
Une nouvelle frontière pour les tests de relativité
Bien que le concept d’utilisation de grandes roues optiques soit convaincant, les expériences utilisant ces configurations ont été jusqu’à présent relativement rares. Cette nouvelle proposition ouvre donc la porte à un nouveau terrain d’essai pour la relativité, où des effets jusqu’alors inexplorés pourraient émerger. La nature quantique de ces particules ultra-froides pourrait même remettre en question « l’hypothèse fondamentale de l’horloge » – l’hypothèse selon laquelle l’accélération d’un objet influence directement le temps perçu.
“Il est important de vérifier et de confirmer notre compréhension des phénomènes physiques dans la nature”, explique Patrik Öhberg de l’université Heriot-Watt. “C’est lorsque nous avons une surprise, quelque chose d’inattendu, que nous devons réviser notre compréhension et acquérir une compréhension plus profonde de l’univers.”
Avantages et défis
L’un des principaux avantages de cette approche est qu’elle évite le besoin de vitesses exceptionnellement élevées, généralement nécessaires pour observer les effets relativistes. Aidan Arnold, de l’Université de Strathclyde, note : « Avec l’incroyable précision des horloges atomiques… le changement d’heure « ressenti » par les atomes de la grande roue devrait être perceptible. De plus, les courtes distances parcourues par les atomes au cours de leur rotation offriraient de nombreuses possibilités de mesures précises.
L’environnement contrôlé de la grande roue optique promet de dévoiler de nouvelles perspectives sur l’interaction entre la mécanique quantique et la relativité générale.
La recherche n’est pas sans obstacles. Un défi technique important consistera à empêcher les atomes ou les molécules de se réchauffer, ce qui perturberait leur mouvement contrôlé et invaliderait l’expérience. Cependant, les scientifiques estiment que les bénéfices potentiels – une compréhension plus approfondie de la relativité à l’échelle quantique – justifient cet effort. En contrôlant soigneusement les faisceaux laser, la taille de la grande roue et donc la rotation des atomes peuvent être ajustées, permettant ainsi de tester l’effet de dilatation du temps pour différentes vitesses de rotation.
Le potentiel de cette approche réside dans sa capacité à tester les fondements mêmes de notre compréhension de l’espace et du temps, révélant ainsi de nouvelles perspectives sur les lois fondamentales de l’univers.



























